dimanche 8 décembre 2013

Le bâton ou le poireau.


Voilà, ça devait arriver. La première affaire engendrée par la crise de la Flavescence Dorée en Bourgogne.
Je vous passerai les détails techniques concernant cette maladie qui a fait son apparition en Bourgogne il y a plusieurs années déjà et qui a véritablement posé des problèmes en Mâconnais en 2012. Vous trouverez les informations nécessaires dans l'excellente publication de Jacques Berthomeau. 

L'affaire, indiquée dans le lien ci-dessus, c'est la convocation d'un vigneron de Bourgogne qui a refusé de traiter ses vignes avec un insecticide pour diminuer les populations de cicadelles vecteur de la maladie, comme les arrêtés préfectoraux nous y obligeaient cette année.
Nous devions tous traiter trois fois en Saône et Loire et une fois en Côte d'Or.

Je connais Emmanuel Giboulot depuis très longtemps, c'est lui qui m'a guidé comme bien d'autres vignerons sur les chemins de l'agriculture biologique et biodynamique il y a vingt ans.
Au sein du Groupement des Jeunes Professionnels de la Vigne, nous avons, grâce à lui et à d'autres, suivi des formations, participé à des séminaires, assisté à des conférences pour comprendre ce qu'étaient nos pratiques culturales d'alors et leurs conséquences désastreuses pour l'avenir de nos vignes, de nos terroirs voire de la planète. Avec lui nous avons réfléchi puis avancé pas à pas vers une viticulture plus propre, respectueuse de l'environnement et des hommes.
Emmanuel, qui est aussi agriculteur céréalier, nous a alors fait prendre conscience du retard que nous avions, en terme de gestion des épandages de produits phytosanitaires, sur nos collègues agriculteurs (je rappelle au passage que les traitements sont quasi incontournables même en viticulture biologique).
D'abord nous avons réduit les doses que nous préconisaient les marchands de l'industrie phytopharmaceutique. Pour ce faire nous avons étudié puis essayé des techniques nouvelles de pulvérisation puis redécouvert les pratiques de labours des sols. L'abandon des désherbants chimiques nous a montré très vite, en quelques années, combien un rééquilibrage de la flore des vignes avait des conséquences formidables sur les écosystèmes et sur l'équilibre de la faune. Les populations d'acariens phytophages (parasites des la vigne), que nous avions essayé de détruire depuis les années soixante, ont alors régressé suite au développement naturel de leur prédateur (Typhlodromus piri), un acarien lui-même devenu notre auxiliaire sanitaire au vignoble.
Ce seul exemple et il en existe d'autres, nous montre combien d'erreurs avaient commis nos pères, aspirés par les simplifications de leurs tâches, floués par les marchands de facilité, de bonheur immédiat et d'horreur pour plus tard !

Puis Emmanuel et moi avons siégé quelques années à la commission technique du BIVB*, c'est à cette époque également que fut créé par lui et d'autres vignerons le GEST (Groupement d'Etude et de Suivi des Terroirs), association de vignerons bourguignons désireux d'avancer sur la connaissance des terroirs, de leur évolution en fonction des pratiques culturales et notamment des travaux du sol.
Le moins que l'on puisse dire aujourd'hui, c'est que certains de nos collègues siégeant à l'interprofession et plus encore les ingénieurs de la place sortis du moule "INRA"* avaient tendance à nous prendre pour des illuminés ou de gentils trublions. Vingt ans plus tard nous constatons que nos idées de l'époque sont reprises par ceux-là même qui les mettaient en doute. Nous nous en félicitons, mais que de temps perdu. Aujourd'hui rares sont les vignerons qui désherbent encore chimiquement leurs vignes et qui traitent sans se soucier de la pertinence de leurs actions. Le vignoble de Bourgogne a repris des couleurs, la qualité des vins a progressé celle de l'eau mettra plus de temps.

Enfin, Emmanuel et moi étant tous deux nés à Beaune de familles installées dans la plaine éponyme, nous avons ferraillé pour essayer de conserver l'appellation Bourgogne dans une zone qui certes n'était pas des plus renommées ni des plus adaptées à la production de crus bourguignons mais qui avait à coup sûr la capacité à produire des vins très agréables et qui, pour peu que l'on ait accepté d'adapter des modèles de production moins coûteux que le classique 10 000 pieds par hectare, aurait pu fournir aux amateurs de cépages bourguignons des vins d'un excellent rapport qualité-prix.
Ces techniques sont aujourd'hui à l'ordre du jour, mais le vignoble de la plaine de Beaune s'est réduit comme peau de chagrin. Le train est passé et nous avons migré vers la Côte.
Je laisse au lecteur le soin d'imaginer pourquoi le soutien de nos pairs ne fut qu'un léger souffle d'apparente politesse.
Le jour où notre dossier, solide et argumenté, soutenu par les experts de l'institut, arriva devant le comité National de l'INAO, le président de l'INAO Bourgogne, représentant  de notre belle région, nous fit l'honneur de son absence, ayant omis d'informer ses collègues bourguignons du dossier à défendre ! Circulez, y'a rien à voir.

Toutes ces précisions pour vous dire que cet homme, aujourd'hui en passe de se retrouver sur le banc des accusés n'est pas un perdreau de l'année, ni un écervelé, ni un égoïste.

Il s'est développé sur le web un certain nombre de signes de soutien, ce qui prouve que l'affaire sensibilise l'opinion et que la démarche d'Emmanuel, ne plongeant pas dans l'indifférence, n'est pas sans fondement. Une page Face Book a été créée avec des interventions nombreuses souvent teintées d'ignorance sur le sujet et de conneries qui ne servent pas la cause. Comme toujours me direz-vous, les mêmes conneries étant d'ailleurs assez abondantes dans les médias en général. Confusions, approximations, affirmations définitives et fausses etc. 

Emmanuel Giboulot  n'est pas, j'en témoigne, un de ces extrémistes peint en vert  que je ne sais quel dogme guide aveuglément. Il n'est pas un illuminé, il est un homme de convictions durement apprises et non de certitudes gratuites.

Cet homme est un paysan éclairé, altruiste, craignant que l'agriculture du vingtième siècle nous conduise à notre perte.

Cet homme s'est fait pincer pour une seule raison: son honnêteté absolue, totale !

Il aurait sans aucun doute pu utiliser un des nombreux subterfuges que génère immanquablement toute réglementation pour éviter ce traitement ni vu ni connu.

Lui n'a pas triché, lui c'est un homme debout fidèle à ses engagements, fier de ce qu'il a toujours fait pour produire des vins authentiques et de qualité, lui c'est un homme digne, digne de son rang et de son métier de paysan.
Dans son rapport remis récemment au Président de la République, Philippe Bélaval, président du Centre des Monuments nationaux dit que le grand homme républicain est : " celui qui, face à une nécessité écrasante, n'a jamais baissé les bras et a su dire non, sans accepter la fatalité".
Un jour révolutionnaire ou plus simplement progressiste bon pour la potence et demain héros enfin reconnu, réhabilité et décoré à titre posthume.
Dans quelques années, quand aura tourné le vent de la panique, que les peurs seront apaisées, que l'expérience aura prouvé une nouvelle fois que les canons à insecticides n'ont pas l'efficacité de l'intelligence collective, que la solidarité est plus forte que la fracture, on devra lui accrocher le Poireau au revers tant son mérite aura été grand et agricole !


Alors Messieurs les censeurs, Monsieur le procureur, si bientôt vous poursuivez Emmanuel Giboulot, s'il est par un tribunal condamné, c'est à un honnête homme que vous donnerez du bâton.

Est-ce cela la justice ?

Dans ce cas, elle ne saurait être exemplaire.





*BIVB: Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne.

  INRA: Institut National de la Recherche Agronomique.

mardi 12 novembre 2013


Saint Martin – Saint Tourmentin.
 


Il faisait frisquet ce matin au monument aux morts où nous étions de moins en moins nombreux à écouter l’édile ânonner le discours du Secrétaire d’Etat aux anciens combattants.

Plus d’anciens combattants de la grande guerre depuis longtemps, quelques anciens ayant connu la dernière et peut-être la résistance et quelques anciens de la guerre d’Algérie qui a toujours du mal à dire son nom.
Enfin ce matin il y avait quand même un regain d’intérêt pour certains, les municipales approchent…

Mais il faisait beau, très beau même, l’été de la Saint Martin !

Les pigeons blottis au soleil sur le clocher nous ont proposé un ballet aérien dans l'azur éclatant, motivés qu’ils furent par les « boum boum » de la grosse caisse de  la fanfare. Ils quittèrent leur perchoir le temps des marches militaires, pour y revenir au moment du vin d'honneur une fois les tambours posés.
Vraiment une belle journée et pourtant la Saint Martin, au nom volé dans le calendrier par l’armistice, c’est aussi la saint Tourmentin comme disait mon père.

 Aujourd’hui moins qu’hier certes, mais c’est toujours le temps du paiement des fermages et des tourments. C’est l’heure de régler les comptes et de faire le bilan de campagne, non guerrière, mais viticole.
Autrefois à la Saint Martin, on payait tout ce qui était dû depuis une année, les fermages, les travaux du maréchal ferrant, du charretier et j’en passe.

Aujourd’hui, ne reste "que" les fermages à payer au 11 novembre pour les vignerons dont je suis et qui ne sont pas propriétaires. Et après deux années de récoltes misérables ce sera bien la Saint Tourmentin. Il y aura certes quelques propriétaires aimables et qui ne sont pas dans le besoin pour faire un effort sur les délais de paiement, sur le montant même, c'est très rare mais ça existe !

Quoi qu'il en soit il faudra trouver l'argent pour payer.

Deux années de misère disais-je, avec un printemps frais et humide, un été qui ne peut plus rien faire pour rattraper ce qui est perdu et puis enfin,  un automne humide comme l'aiment les champignons.
Le mois de mai ne nous a pas donné les raisins que nous espérions, ils étaient petits. Même si nous nous y attendions puisqu'ils étaient nés dans les bourgeons au printemps 2012 qui ne fût pas beau ni chaud, le froid excessif de juin les a de plus fait filer* en grand nombre. Enfin la pluie vint s'ajouter au froid au moment de la fleur et la pollinisation se faisant mal, la coulure** vint encore entamer le potentiel de récolte.

Au vu de ce printemps 2013, il y a de très fortes chances pour que les raisins de 2014 cachés au cœur des bourgeons formés en juin dernier ne soient pas non plus très gros ni très nombreux.

J'ai souvenir aujourd'hui d'un éditorial fort maladroit dans Bourgogne Aujourd'hui, pointant du doigt le peu de volonté des vignerons de Bourgogne à ébourgeonner sévèrement au printemps 2013. Qu'aurions-nous récolté si nous avions bêtement agit de la sorte ?
La taille, l'ébourgeonnage, nous connaissons, c'est le cœur de notre métier, il me serait agréable de ne pas recevoir de leçon des journalistes quand je ne leur donne pas de leçon de rhétorique  ni d'écriture.

 Parenthèse fermée, l'été ne fût pas particulièrement clément, nous apportant son lot d'orages dévastateurs, mitraillant de grêle les vignes faiblement garnies de fruits.une journée d'été...
 
Septembre dans ses premiers jours, nous apporta quelques réconforts et sauva probablement un millésime bien mal engagé.
C'est souvent comme cela lorsque printemps et été font défaut, septembre joue les Saint Barnabé.

Puis revint la pluie et quelles qu'aient été les dates retenues par les vignerons, les vendanges ne furent pas une vraie partie de plaisir.
Chacun en conscience ayant fait son choix de vendanger tôt ou d'attendre. Chacun ayant choisi selon les connaissances qu'il a de son vignoble, de son travail, avec ce savoir faire qui lui est propre.

Au final la catastrophe fût évitée une fois encore, l'intelligence et le travail ayant lutté de concert contre les hostilités venues d'on ne sait où.

Dieu soit loué comme le poulet, nous aurons de quoi répondre en partie au marché !
-Peu de vin, mais plutôt de qualité en attendant mieux -
Après les trente  glorieuses passées nous sommes sans doute dans un cycle moins favorable à la spirale formidablement qualitative que nous avons jusqu'ici vécue.


 
Ce soir, la bise souffle encore plus tranchante que ce matin et moins que demain à moins qu'elle ne tienne pas. Le feu crépite dans le poêle à bois, la nature s’engourdi. En fin de semaine la vente des Hospices de Beaune attirera les feux des médias, foules et verres réchaufferont les cœurs, puis le Beaujolais nouveau annoncera l’hiver  prochain et nous irons aux vignes tailler à nouveau chaque pied en espérant, comme nous l’avions fait l’an dernier, que la nature se montrera plus généreuse en 2014.

 
Demigny, le 11 novembre 2013.

 
* Filer se dit des raisins qui au lieu de se former en inflorescence se transforment en vrille.

**Coulure = mauvaise fécondation des fleurs de vigne qui donnent des grains de petite taille (millerandage) ou qui tombent au sol dès la fin de la floraison.

jeudi 24 octobre 2013

Chansonnette aux hygiénistes, moralistes et autres pisse-vinaigre de notre douce France.



La marche des ampaafés .

 
Ils tirent toutes les alarmes
Ils veulent nous rendre heureux
Ils prétendent que les charmes
Du vin sont dangereux

Qu’est-ce qui les fait marcher
Les ampa-a, les ampaafés
Qu’est-ce qui les fait marcher
C’est la moralité

S’ils remplacent le vin d’messe
Par de l’eau distillée
On leur bott’ra les fesses
Pour le salut des curés

Qu’est-ce qui les fait marcher
Les ampa-a, les ampaafés
Qu’est-ce qui les fait marcher
C’est la crédulité

S’ils désertent les comptoirs
Pour nous éviter c’est
Qu’ils traversent l’histoir’
Tous au pas cadencé

Qu’est-ce qui les fait marcher
Les ampa-a, les ampaafés
Qu’est-ce qui les fait marcher
C’est la sécurité

Ce sont de pauvres mecs
Et nous aurons leur peau
Sauf s’ils nous tuent avec
L’argent de nos impôts

Qu’est-ce qui les fait marcher
Les ampa-a, les ampaafés
Qu’est-ce qui les fait marcher
C’est la cupidité

Mais à l’heure dernière
Tous ces crétins fieffés
On les mettra en bière
Ils seront mortifiés

Ils pourront plus marcher
Les ampa-a, les ampaafés
Ils pourront plus marcher
Ils seront mortifiés

mercredi 24 juillet 2013

Lettre ouverte au patron de la RVF.


Monsieur Saverot,


Il est revenu à mes oreilles par radio-bout-de-vigne (c’est ainsi que nous appelons chez nous la fréquence « potins des vignobles ») que vous aviez publié les termes de mon courroux occasionné par votre dossier sur la Côte Chalonnaise ( RVF n° 570, avril 2013) dans votre dernier numéro (570 spécial millésime 2012).

Si je n’ai pas réagi plus tôt, c’est que je fus accaparé par quelques tâches au vignoble dont la nature parfois généreuse ne nous laisse pas toujours le libre arbitre, veuillez m’en excuser. 

Toutefois, permettez que je m’étonne que vous eussiez choisi la rubrique courrier des lecteurs pour publier  de manière partielle ma missive électronique.

Si je fus agréablement surpris que vous prîtes le temps de m’appeler personnellement au téléphone après réception de la susdite, vous me voyez bien désagréablement surpris de cette publication et de la réponse que vous portez perfidement à la connaissances de vos nombreux lecteurs passionnés qui comptent parmi eux de nombreux professionnels souvent perplexes mais néanmoins assidus ! (70 000 viticulteurs, plus les négociants, les œnologues, le courtiers, et autre professionnels cavistes, restaurateurs, etc…, ça laisse peu de place  aux amateurs dont vous prétendez qu'ils sont 45 000 à vous lire et qui soit dit en passant, s’ils sont par vous dupés, seront comme il va de soit les derniers à l’apprendre). 
Et puis puisque vous voulez jouer à celui qui pisse le plus loin, même si j'ai toujours trouvé ce jeu ridicule, je produis en moyenne 45 000 bouteilles par an et sauf à penser que chacune d'elles est bue par une seule personne, j'ai beaucoup plus de succès que vous et d'ailleurs sans vous et de plus dans une quinzaine de pays.

Et puisque vous avez choisi de me répondre sur votre terrain privilégié, je vous renvoie aujourd'hui la balle depuis le mien qui ne compte pas d'abonné mais quelques lecteurs que je salue et remercie au passage.

Votre démarche sous-entend que je sois moi-même lecteur de la RVF, ce qui ne m’arrive qu’à l’occasion d’un rendez-vous chez mon coiffeur et d’aucuns vous diront que j’ai couramment le poil hirsute et ne fréquente guère ce vénérable artisan !

De plus, lors de notre longue conversation téléphonique qui amputa mon précieux temps de presqu’une heure, nous étions convenus au final que nos opinions demeuraient divergentes, mais que l’échange avait été courtois. J'avais cru bon de vous préciser que je ne cherchais pas par mon courriel à créer une quelconque polémique stérile comme il en existe beaucoup ces temps-ci et particulièrement sur les réseaux sociaux. Non, je m’adressais simplement au patron de la revue pour lui signaler ce que je considère comme une aberration : à savoir qu’un dégustateur qui par ailleurs vend différents produits à des vignerons qu’il évalue me semblait relever d’un conflit d’intérêts que la morale, sinon la loi, réprouve.

Il me semblait de fait évident que notre échange devait rester discret et qu’il n’était pas nécessaire      – pour vous comme pour moi - d’en faire état !

Or vous avez choisi de porter ce débat sur la place publique, sans mon consentement et comble de muflerie, sans m’en informer.

Pour compléter votre publication, permettez que je porte à la connaissance du lecteur l’intégralité de mon propos :

Cher Monsieur,
Je viens de prendre connaissance de votre dossier spécial côte chalonnaise dans votre dernier numéro de la revue du vin de France, la lecture a suscité chez moi quelques interrogations.

Je me suis donc rapproché du BIVB afin de connaitre le déroulement des dégustations qui nourrissent ce genre de dossier.

Quelle ne fût pas ma surprise de m’entendre expliquer que le dégustateur agissait seul, sans la présence d’un professionnel vigneron ou d’un représentant des ODG concernées, voire d’un huissier.

Quel ne fût pas mon étonnement de me voir confirmer que les notes attribuées par votre dégustateur étaient ajustées en fonction des niveaux des appellations ? Comme vous l’avez par ailleurs vous-même justifié dans la RVF, cela suppose que tout est possible, y compris de renvoyer la balle aux annonceurs qui comme par hasard sont toujours bien notés !

Quel ne fût pas mon courroux de m’entendre confirmer que votre dégustateur, dont je ne remets pas en cause les compétences, est par ailleurs un commerçant ayant des relations mercantiles avec les vignerons dont il déguste les vins.

Ceci corrobore amplement le fait que ses clients et ses copains soient bien notés et que ceux ayant eu avec lui quelques problèmes relationnels soient absents de la sélection.

Je n’avais pas une grande confiance dans votre journal que je connais depuis trente ans et que j’ai vu évoluer. Aujourd’hui, au vu des conflits d’intérêts que révèle le fonctionnement des dégustations et de la publication des résultats, j’ai à l’égard de votre travail une sensation de nausée irrépressible.

Il me semble qu’il serait temps de réagir et de recadrer tout cela avant que vous ne perdiez le peu de crédibilité qu’il vous reste aux yeux des acteurs de la filière viticole, car pour avoir largement évoqué cette affaire avec des collègues de toutes régions et des prescripteurs de tous ordres, je puis vous dire que mes sensations sont largement partagées, ce que je regrette sincèrement pour les consommateurs, amateurs de vins de notre pays et lecteurs bernés par la revue, surtout s’agissant des novices !

Dans l’attente de recevoir vos impressions sur ces consternantes  pratiques,

 Veuillez agréer cher Monsieur, l’expression de mes sincères salutations
                                                          

Ceci précisé, il apparaît que vous avez bien évité de publier l’essentiel de mon propos et qui concerne le conflit d’intérêts.

Votre titre lui-même un peu grandiloquent  évoquant en caractère gras «  la théorie du complot » prête à sourire. Comparer notre petite escarbouille à des affaires internationales !! ho là là, Monsieur Savrot, vous me flattez !

Evoquer une police,  un anonymat… enfin nous ne sommes plus sous Vichy Monsieur le Procureur !

Vous en appelez à l’histoire et aux personnalités qui collaborent ou ont collaboré à la RVF en citant des professionnels émérites et reconnus de tous, que vous qualifiez de réputés et d’intègres… je ne les conteste pas ces personnages historiques du « mondovino », mais Mr Baroin…tout de même, veuillez ne pas mélanger torchons et serviettes !

Un camelot de campagne, qui gonfle son égo en bavouillant quelques propos iniques sur notre travail… c’est remarquable, comme dirait le « taulier » on se gondole grave dans les contours de vignes en se narrant ces derniers jets de plume ;

Jugez plutôt à propos d’un Rully : « fraîcheur complète et salivante qui rappelle un Puligny »

 Quel talent ! Quel à propos pour celui qui se prétend défenseur du terroir !

Ainsi les terroirs de la Côte Chalonnaise n’auraient de valeur et d’intérêt que dès lors qu’ils seraient semblables à leurs voisins-stars des côtes de Beaune ou de Nuits… affligeant !

 Remarquez qu’écrire des pages entières de commentaires sur des vins que personne ne lit sauf les producteurs eux mêmes, ça relève de l’exploit ! En tout cas je n’ai jamais trouvé rien de plus emmerdant à lire, à part peut-être un discours du maire de ma commune.

Ce cher Guillaume, qui s’apitoie sur son sort en prétendant regoûter les vins qui ne lui ont pas plu au premier abord pour ne pas léser les producteurs, peu lui importe de massacrer des cuvées entières en vendant des bouchons foireux et qui détruisent une année entière de travail puis de n’assumer aucune des conséquences désastreuses de ces méfaits ! 

En revanche il lui importe de bien noter quelques vignerons très sollicités pour pouvoir ensuite vendre leurs vins en se targuant d’être parmi leurs allocataires privilégiés ! 

Monsieur Saverot, outre que la publication de votre réponse partielle à mon courrier amputé est malhonnête, vos arguments sont affligeants de maladresse et de fausseté. 

Vous pensiez à votre profit détourner mon propos mais vous vous êtes vautré dans votre colère et votre condescendance.

Rassurez-vous, je ne suis qu’un petit vigneron-trublion, mais votre réaction même, par sa violence et ses à-peu-près, prouve que j’ai mis le doigt là où ça fait mal à votre mauvaise foi !

Et si j’en juge par les remarques et coups de fils que j’ai reçus depuis votre publication, mon avis est assez largement partagé ; Il est même des vignerons qui m’ont qualifié de courageux, d’autres plus triviaux de « couillu » !!! y aurait-il quelques risques à dire ce que l’on pense, ce que l’on croit être la vérité ? Auriez-vous quelque pouvoir de nuisance à l’égard du vigneron que je suis ? Quel est le réel pouvoir de cette ancienne institution de Revue sur le vin, vieillissante et que vous êtes en train de fusiller ?

Serai-je à jamais banni de vos colonnes ?

Recevez cette confidence, la seule fois où j’eu les honneurs de votre revue, ce fût grâce au parrainage de mon mentor dont je ne citerai pas le nom pour ne pas lui faire de mauvaise publicité mais qui est un célèbre vigneron de Meursault et mon néanmoins ami.

Soyez en tout cas certain que je n’ai pas contre la presse en général et du vin en particulier, quelque grief que ce soit. Le plus beau compliment que l’on me fit en 20 ans de carrière, vint de votre auguste confrère : « Bourgogne Aujourd’hui » qui écrivit à mon endroit : « Jean Yves Devevey produit depuis plusieurs années des vins qui font honneur à la Bourgogne »

Voyez Monsieur Saverot, de cela et donc de mon travail je suis très fier. Rien ne peut m’honorer plus que d’être digne de  LA BOURGOGNE, même si je ris souvent des imbéciles heureux qui sont nés quelque part car je pratique assez couramment l’autodérision.

Je ne vous souhaite qu’une seule chose Monsieur Saverot : d’être vous-même fier de votre travail…





Une journée d’été presque comme les autres.


Mardi 23 juillet 2013, levé tôt après une courte nuit. Météo France annonçait des orages possiblement violents localement. La veille j’avais terminé le rognage des vignes de la Chaume à Rully un peu avant vingt deux heures, il faisait presque nuit. C’est important de ne pas laisser sous la pluie, les jeunes pousses plus sensibles que les autres au mildiou déjà présent ici et là sur les plus vieilles feuilles après le printemps pourri que nous avons connu.

 Tasse de thé vert avalée en vitesse et préparation du pulvérisateur. Vers huit heures, départ pour Rully et la côte Chalonnaise à nouveau, après que la rosée du matin fût tombée. Les vignes sont belles, quelques taches de mildiou ça et là, il va falloir être vigilant jusqu’en septembre, les vendanges s’annoncent tardives. Elles n’ont pas produit beaucoup en 2012 suite à la grêle de 2011 mais cette année, même si le froid du printemps a éclairci les raisins il y a une récolte moyenne si ça tient jusqu’au bout.

Retour dans « l’entrecôte » vers dix heures trente. J’aurais dû alors enchaîner les autres parcelles mais quelques imprévus m’attardèrent au bureau et à la cave. Tant pis je terminerai en début d’après-midi même si un traitement en pleine chaleur n’est pas idéal, on ne maîtrise pas tout.

Repas rapide et vers treize heure, départ pour l’autre côte... celle de Beaune. Traitement à Volnay sans problème, les vignes sont belles, les raisins assez petits et clairs mais en nombre suffisant pour une belle récolte. Après les deux orages de grêle de 2012 et une récolte record (quatre pièces dans un peu moins d’un hectare), on vendangera tard mais si ça va jusqu’au bout et que septembre est beau, ça ira.

 Passage à Beaune, cette vigne des Pertuisots 1er crus, c’est mon bonheur de vigneron, elle est toujours belle et en santé, le sol se cultive bien il est équilibré après quatorze années de travail, d’attention, de soins en tous genre. La partie du bas, la plus vieille, sélection massale, est magnifique. Beau feuillage, raisins bien formés et réguliers, un peu de millerandage mais pas trop, tout ce que l’on attend de sa vigne. La partie du haut, clones sur SO4 est un peu moins vigoureuse mais se porte bien.
La terre est superbe de souplesse et de richesse après des années de labours d’enfouissement de l’herbe pour la structurer et la nourrir.
Malgré la grêle en 2012, la récolte avait été convenable  6 pièces pour un peu plus d’un demi hectare, d’habitude elle en produit huit voire neuf, c’est une très belle vigne, lorsque j’aurai mon cheval, j’essaierai de la cultiver avec lui. Pour cette année si ça va jusqu’au bout ce sera une belle récolte, mais on ne la tient pas encore.

14h 30 départ de Beaune direction Nantoux, ici aussi les vignes sont belles bien que très peu chargées en raisins suite à la grêle dévastatrice de l’année dernière. Là aussi les records avaient été battus, 7 pièces de vins dans trois hectares de vigne !
Mais cette année c’est beau et il ne faut pas traîner car les cumulus montent au nord sur la vallée de l’Ouche et il faut traiter avant la pluie. Quelques rafales de vent de Nord-Est secouent les arbres et les haies alentours, rien de plus.

 15 h 45, je termine sous les roulements non pas du tambour mais du tonnerre. Je charge le tracteur sous deux ou trois gouttes, le nuage noir qui tourne depuis une heure est planté vers Savigny, vers Beaune, de l’autre côté des collines. Par précaution je mets le sac de bouillie de cuivre –sac en papier- dans la cabine du Land Rover.

Je redescends vers le village, face à moi la montagne de Volnay s’est embuée de nuées grises et blanches. A l’est le gros nuage crève et déverse son contenu sinistre sur Beaune. Devant la mairie quelques coups secs et violents me surprennent. Deux ou trois gros grêlons s’éclatent littéralement sur le bitume brûlant.

A la carrière de Nantoux, il pleut de grosses gouttes, en arrivant vers Pommard c’est l’enfer, des grêlons, entre billes et balles ping-pong s’éclatent sur tout ce qu’ils trouvent, frappent, hachent, massacrent. Je m’arrête sous un noyer pour ménager la tôle du Land Rover et attend en espérant que Beaune et Volnay tout proches soient épargnés. Des noix cueillies par les glaçons viennent rouler sur le capot du Land. Dans mon dos, le ciel de Nantoux reste clair.

Au bout de dix minutes de coups incessants - une éternité - la boue a envahi la route mais les grêlons sont plus petits et moins nombreux, je repars.

A ma gauche le talus des Harvelets a glissé sur la route, au-dessus les vignes sont hachées et battues par le vent et la pluie. Plus loin au pied du mur de la Commaraine un amas de grêlons de quarante centimètres de large et  d’une dizaine d’épaisseur tient au frais les herbes hachées.
Je pense à Benjamin et au Clos des Epeneaux un peu plus loin qui n’a pas pu être épargné.

Je descends vers l’ancienne gare de Pommard, les voitures sont à l’arrêt, la route est un torrent  de boue qui descend du coteau par tous les chemins, le chemin de la combe de Lulunne ressemble à un affluant boueux  de la départementale, je sens rouler les cailloux sous les pneus du Land qui avance imperturbable, traînant sa remorque chargée de l’emjambeur qui n’aura pas besoin de passer par l’aire de lavage.

Les grêlons continuent à frapper tantôt plus clairsemés, tantôt plus serrés mais toujours avec une violence douloureuse aux oreilles. Je perds l'espoir que les Pertuisots aient été épargnés.
A la pointe des Tuvilains, l’eau boueuse  semble transporter toute la terre du coteau, le chemin des vignes Franches est une rivière en furie.

                                                                          
Le Clos Landry est en guenilles, j’arrive aux Pertuisots, pas de quartier, c’est la désolation.

Demi-tour, direction Volnay avec l’espoir que la grêle n’aura pas dépassé Pommard.
Je croise David. Sous l’averse, vitre des voitures entre-baissées : c’est massacré lui dis-je.
Mines déconfites : à plus tard.

Entre Pommard et Volnay les torrents de boue affluent de partout, la route qui descend vers la 74 est une rivière en crue, les bouches d’égouts crachent des gerbes d’eau marron à un mètre de hauteur, le vent souffle en bourrasques cinglantes, la pluie semble tomber presqu’à l’horizontale, la buée a envahi les vitres du Land, j’aperçois la vigne de la Gigotte, suffisamment pour penser que là aussi la récolte est en partie faite.
Je pense aux copains dont le vignoble se répartit de Volnay à Savigny ou sur l’une ou l’autre de ces seules communes. J’aurai peut-être la chance de voir Rully et Nantoux épargnés, peut-être ( ?)

Retour à Demigny, le village est sous les eaux mais il n’y a pas eu de grêle ici, j’allais dire malheureusement, j’eu préféré perdre mon petit jardin et garder les raisins de la Côte. Je regarde tomber la pluie et le pluviomètre déborder; je cherche un réconfort au frigidaire, il fait lourd, j'ai soif ! 
                                                                               
Vers 19h00 retour dans le vignoble, après un coup de fil rassurant de Stéphane, je sais que Rully n’a pas été touché.
A Volnay le vent a anéanti le travail des employées qui avaient passé des heures au palissage, il faudra reprendre les pieds et ce qui reste de leurs branches une à une, les raisins sont presque tous touchés j’estime à 50% le volume de récolte perdue.
Un crochet par Nantoux, rassurant, il n’est tombé que quelques millimètres d’eau et pas de grêle.

En redescendant vers Pommard j’observe le balai des camionnettes des vignerons qui font l’inventaire sinistre des dégâts. Les visages sont fermés, les saluts bien las. Les regards pleins de désespoir.

Je retrouve David dans les Pertuisots, nous visitons nos vignes respectives, désolés mais fatalistes, c’est notre destin de vigneron, la nature nous contraint, qui que nous soyons quoi que nous fassions. 70 à 80% de perte selon moi, David est un peu plus optimiste.
                                                                             


Nous gardons notre humour même s’il est un peu moins gaillard et descendons au Café du Square pour un verre de réconfort. Bière ? vin ? Bière pour commencer, il faut être économe…

Dom arrive, dégaine estivale, Champagne dit-il. J’aime son humour.

Demain il faudra remettre l’ouvrage sur le métier et continuer. Météo France nous a mis en vigilance orange, si ça doit recommencer, que tombe où ça veut mais pas à Rully ni à Nantoux si ce n’est pas trop demander. Je me dis qu’au moins il y aura peut-être là une récolte, si ça va jusqu’au bout !


lundi 6 mai 2013

Pensées vigneronnes


Dos courbé, genoux fléchis, j’avançais pas à pas, les mains affairées aux tâches habituelles du printemps à la vigne, elles allaient presque malgré moi supprimer ici quelques bourgeons superflus, là quelques herbes folles, arrachant à la terre une ronce vicieusement poussée tout contre une souche ou encore, au pied d’un piquet d’acacia grisé par le temps, un jeune noyer poussé d’une noix tombée du bec d’un corbeau malhabile.  
A chaque pied elles renouvelaient leur geste précis, machinal, pendant que mon esprit libre de contraintes s’égarait parfois bien loin.
Le soleil du printemps, doux mais déjà généreux, me chauffait les muscles lombaires tendus par la posture vigneronne.

J’aime cette période l’année ou le réveil de la nature sonne le début des travaux qui conduisent à la récolte future. Là se construit le millésime, plus encore qu’à la taille qui en hiver nous pousse au dehors dans de froides journées. Au printemps, la taille dite « en vert », vient compléter celle de l’hiver. C’est ce travail qui non seulement contrôle la production de l’année mais prépare aussi le cep à la taille de l’hiver suivant. Certes les caprices de la nature ont souvent tôt fait de tout remettre en cause, mais qu’importe, l’espoir d’une belle récolte nous pousse cep après cep et nous fait faire les choix que l’excellence réclame et que la rentabilité impose.

Que d’incertitudes… mais quelle détermination néanmoins, chaque vigneron met-il alors dans ses gestes. Faisant fi des douleurs et des peines, il soigne la vigne pour que plus tard, après bien des lunes, coulent dans les verres de précieux nectars, s'insinuent entre les lèvres sèches des saveurs délicates, et que se réjouissent les esprits les plus sombres.

Laissant mes mains à leur labeur, je me pensais : quoi qu’il arrive le vigneron s’en va, courbé entre les rangs dans l’expression forcée de la modestie, muscles meurtris et mains calleuses, quand le marchand qui parfois l’habite - bien que de plus en plus souvent les deux se distinguent -  le marchand lui s’en va debout, fier et fanfaron, l’esprit hanté et l’œil avide,  chercher le chaland à qui il contera son histoire ou une histoire, c’est selon !...

Il en va des vins comme des hommes, certains nous enrichissent, d’autres nous ennuient, certains nous surprennent, d’autres ne nous importent. Quelques fois, d’aucuns nous éblouissent et nous transportent.

Je pensais à ces bouches gourmandes, à ces esprits curieux de nos vins et de ce qui les accouche. Dans ma tête se bousculaient mille visages inconnus, sourires éclatants de bonheur, étonnements sans cesse renouvelés des palais qui découvrent dans les saveurs des vins, la force de la nature, la puissance des terroirs et leur infinie richesse.
Disciples d’Epicure que le vin régale et fascine, qui veulent tout  savoir de notre monde clos.
Je pensais encore, qu’importe pour eux des vins l’origine, qu’importe qu’on les  inscrive dans une mode ou une autre, qu’ils soient natures ou pas, immatures, à maturité ou sur le déclin, si à l’instant de leur destin ils réjouissent les corps et les âmes.
Mais pourtant il arrive malheureusement que rien ne vibre et que le liquide au fond du verre ne soit que piteux breuvage pas même désaltérant. Où trouver alors le plaisir, quel intérêt ? Quelle déception ! Quelle arnaque !
Dualité du vin qui peut tant émerveiller ou tant décevoir. Il en est de modestes qui se boivent au comptoir, il en est d’exceptions qui méritent le grand soir.

Comme disait tonton Georges, « faut voir à pas confondre amour et bagatelle ».

Dans la multitude immense, quelles sont les différences ? Viennent-elles de la renommée ou de la rareté ? Comment choisir ?

Etiquette racoleuse pour nouveauté hurlant son besoin de reconnaissance, étiquette historique pour renommée acquise et parfois contestée, slogan tout en couleurs pour attirer les regards et la curiosité, sobriété tranquille couvrant les valeurs sûres des terroirs et du savoir-faire !
Se laisser guider par le graphisme ? Par la force de l’image et des mots, marketing bricolé de l’emballage pas toujours en phase avec le contenu !
Se fier à la prose du journaliste droit, laborieux et honnête, éviter de céder aux propos de  cuvette du fils de pub foireux qui se dit son confrère !
Laisser faire le hasard ou bien écouter l’autre, l’ami qui s’y connaît, le caviste érudit, l’amateur éclairé, le vigneron sincère, le vigneron roublard, comment savoir ?

A qui se fier ? Au propriétaire bourgeois à la superbe séductrice, aux mains lisses et au verbe policé, au vigneron rugueux à la franchise bourrue, à cet autre  rieur au verbe coloré ?

A chaque bouteille ouverte se faire son opinion, seul(e), en toute conscience, sans influence aucune et puis vider le verre en levant bien le coude – joyeux - ou dans le caniveau – déçu - c’est toujours prendre un risque !

J’en étais là de mes incertitudes et de mes évasions.
Mon dos me rappelant à la réalité, je me relevai pour le détendre un peu. Regardant le ciel devant moi, j’y vis un beau cumulus de printemps, gris et blanc, en perpétuel mouvement.

Furtivement j’y vis dos à dos deux têtes sans corps plantées sur un pylône, deux profils cotonneux, différents mais semblables, l'un dans la lumière et l'autre dans l'ombre, unis comme siamois.

 

  
     Cyrano et Voltaire pensai-je, à moins que ce ne fût Pinocchio et Tartuffe ?                         

 

 

 

 
 

 

lundi 29 avril 2013

PORTES OUVERTES 3-4 et 5 mai 2013.

 
Le vendredi 3 mai au matin, que dis-je, aux aurores, je pétris le pain puis je le cuis dans le four à bois familial.
L'après-midi, c'est parti pour trois jours de portes ouvertes au Domaine, comme chaque année le premier week-end de mai. Brigitte aura fait les terrines avec Christine et le persillé avec Mauricette.

Que du bon ! et plein de canons !

Vendredi 3 mai, 16h00 à 20h00 - samedi 4 et dimanche 5 10h00 à 19h00.


mercredi 27 mars 2013

J'ai raté le grand chelem.

 

L’organisme vient de m’envoyer les conclusions de son jury de dégustation sur des échantillons prélevés chez moi pour : je cite l’objet : contrôles « produits ».

Je dis l’organisme, parce que je n’ose pas le nommer par son vrai nom, de peur des représailles. Quand on travaille ses vignes avec de l’herbe mieux vaut ne pas trop titiller le pouvoir de répression.
                                                                   


L’organisme disais-je, viens de m’envoyer un joli courrier, pas de menace cette fois et même écrit sans faute d’orthographe...

On me précise bien que mes lots de vins (deux vins blancs) « ont étés soumis à des examens organoleptiques et ont été jugés conformes ». Qu’il ne s’agit pas d’un agrément, mais d’un résultat de contrôle !!!

Donc si je comprends bien il s’agissait pour le jury de juger de la conformité de mes vins avec l’appellation que je revendique pour eux, mais pas de les agréer dans l’appellation, l’agrément d’antan ça n’existe plus, aujourd’hui on contrôle, on évalue.

Bon moi je n’ai jamais  aimé les notes, les évaluations alors j’aurais tendance à m’en …  mais bon je me dis qu’il faut voir dans le détail :

Premier vin, sept avis favorables, zéro avis défavorable ! Whoua !!! vin sur vin ! Oui je sais c’est facile.
Deuxième vin,  huit avis favorables, un avis défavorable ! Tiens je m’dis qu’il y en a un ou une qui n’a pas aimé et je m’interroge.

Il n’est pas question d’aimer ou pas puisqu’il est seulement question de savoir si mon vin est conforme ou non.

Huit jurés disent : « conforme » le neuvième juré dit « non-conforme » !
On m’aurait dit cinq contre quatre, ou trois contre trois et trois abstentions (non ça c’est pas possible) mais quelque chose d’équilibré quoi, même sept contre deux, admettons ! Mais là avouez que c’est bizarre.

Que s’est-il passé dans sa tête de juré… seul contre huit ?

- C’est peut-être qu’il ne connaissait pas les critères de conformité, ou qu’il pensait déguster des grands crus ?

- Ou alors Saturne lui a fait le coup de la panne, c’était son premier vin, pas le temps de s’aviner les papilles encore toutes enduites de dentifrice et hop : passé à côté ?

- Ou encore, comme c’est un vin blanc, il a comme tous mes vins blancs, des petites notes amères et le neuvième juré n’a pas supporté. Parce que le neuvième juré, il suit à la lettre ce qu’on lui a appris au stage obligatoire pour être juré ; les amers dans les vins : c’est un défaut ! (c’est ce dont on a essayé de me convaincre quand j’ai fait le stage, du coup je n’ai jamais été aux dégustations), en effet je pense que les amers sont nécessaires à la sapidité du vin.

- Le  neuvième juré, c’est un collègue qui en a ras le bol qu’on lui recale ses vins aux dégustations alors il y va et il retoque tout ce qu’il goûte.

- Ou alors tout simplement, le neuvième juré, sa journée a mal commencé ce matin là, il s’est levé du mauvais pied, tout le fait ch… ça a commencé dès le matin, le siphon de la douche était bouché, le filtre de la cafetière aussi, il s’est coincé les doigts dans cette p… de serrure de portail et pour finir la batterie de la bagnole était à plat. Comment on peut déguster après ça ? Bref, c’était pas son jour !

- Ou bien le neuvième juré, il est arrivé déguster avec une chique carabinée qui a failli l’empêcher de venir, mais bon il tenait à venir quand même quand on s’engage on s’engage !  Quand il a goûté mon Hautes Côtes à 3.22 de pH malo faite… ça te lui collé un violent coup dans la gencive… la chique a pété... et ça lui a pourri le bec. 

Bon en tout cas, il avait sans doute une bonne raison le neuvième juré, je ne peux pas lui en vouloir quoi !

 En attendant, j’ai raté le grand chelem !

Alors dans sa grande précision protocolaire, l’organisme me propose la chose suivante dans le cadre au-dessous des mentions des résultats des examens organoleptiques:

« Merci d’indiquer ici vos observations ainsi que d’éventuelles mesures correctrices ou correctives. Vous pouvez également faire une demande de recours. Si elle est acceptée, nous vous demandons de nous ramener les 3 des 4 échantillons laissés dans votre structure (le 4ème doit être conservé jusqu’au résultat du contrôle). Vous pouvez ne faire qu’une seule demande de recours. »

!!!!!!

Non, j’en reste là, je ne demande pas de recours pour avoir l’unanimité, 8/9 c’est pas mal pour un cancre !

 

 

samedi 23 mars 2013

l'Françouais à Dijon la belle diguedi...


François est venu nous rendre visite, (le Président, pas le Pape), à Dijon chez l’autre François (le maire de Dijon, pas le Pape).

A Dijon, le seul Pape qu’il eût pu rencontrer eût été celui des escargots et cela aurait pu donner lieu à quelques échanges colorés.

Le pape des escargots, il n’a pas la télé, mais il sait tout sur tout, il « traje » la Bourgogne de long en large et en travers il discute avec les uns et les autres. Oh bien sûr en ces temps de télévision et d’internet, les nouvelles vont bien plus vite que lui, mais il est des informations qui ne transitent que par lui. Quelques secrets de villages et de campagnes que lui seul détient.
Le fond des choses, le fond des âmes on en parle jamais à la télé mais lui le pape des escargots il connaît tout ça.
Sûr qu’il ne serait pas contenté de lui demander ce qu’il a fait de ses promesses de campagne au Françouais, il aurait pu lui dire bien des choses en somme et sûr qu’il aurait varié le ton. 

 -- Sauf votre respect Mr le Président, aurait pu dire la Gazette, je connais la Bourgogne mieux que personne, croyez-moi, elle est comme le reste du monde, elle part en quenouille puis s’effiloche.
Voyez en ce début de lune rousse, j’étais à Mâcon et pour me ressourcer, j’ai remonté tout son vignoble puis traversé la Côte Chalonnaise puis celle de Beaune et de Nuits avant d’arriver là pour vous dire ceci :
J’en ai croisé du monde dans les vignes, faut dire que c’était la première semaine de beau temps depuis belle lurette. Tout ce monde au travail dans les vignes et dans les caves, ça m’a confirmé que le printemps arrivait. Du coup je ne me suis pas attardé bien longtemps, pas plus que le temps de causer en vidant quelques godets.

En y regardant vite fait comme ça, on dirait que tout va bien, ils n’ont pas l’air malheureux les vignerons, d’abord parce que ce n’est pas l’occupation qui manque, comprenez eux ils travaillent coûte que coûte et c’est en septembre après une année de labeur qu’ils font les comptes, avant personne ne sait ce qu’il adviendra, alors ça bosse dur et pour aider ils ont le bon vin et la convivialité et croyez-moi ça donne un peu de joie de vivre et de nos jours il y en a besoin. Mais comme dit l’autre : « c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses ! »

Enfin en causant un peu, on voit qu’ils ont deux trois soucis les vignerons, d’abord à Mâcon voilà que depuis deux trois ans s’est pointée une nouvelle maladie de la vigne, enfin nouvelle pour la région.

Un virus, la Flavescence dorée qu’elle s’appelle, un joli nom pour une sacrée salope qui vous ravage les vignes en rien de temps. Tout le monde s’inquiète, les vignerons, les syndicats, les techniciens, l’interprofession et finalement le préfet qui décide, bien conseillé qu’il est, de faire traiter toutes les vignes de Saône et Loire pour détruire le petit papillon, une cicadelle, qui pique les feuilles pour se nourrir et qui transmet ainsi le virus.
Alors ils vont traiter les vignerons, ils ont l’habitude, mildiou, oïdium, près d’un siècle et demi que ça dure, aux meilleures années de la prospérité phytopharmaceutique, ils ont même traité avec des désherbants, y’en a d’ailleurs qui continuent, et avec des insecticides de toutes sortes. Les vers de la grappe, les acariens, les pyrales et j’en passe ils ont tout dégommé à coup de pesticides. Seulement depuis dix, quinze ans, ils se sont rendu compte qu’à part le mildiou, l’oïdium et rarement les vers de la grappe, y’a pas besoin de traiter systématiquement, que quand ils labourent les vignes et qu’ils arrêtent les désherbants chimiques, les invasions d’insectes ravageurs diminuent et s’équilibrent sans tout bouffer !
Cela fait bientôt vingt ans que les vignerons ont fait un travail formidable pour travailler proprement.

Et là y’a un problème, ils vont faire ce que leur demande le préfet et badadoum… vingt ans de travail foutus en l’air !

 Il y l’Esca, autre maladie du bois, un champignon qui fait crever les pieds de vigne en quelques heures au début de l’été. Le produit mortel qu’ils utilisaient autrefois est aujourd’hui interdit et c’est tant mieux, moi je remarque que les plus vieilles vignes, qu’étaient pas des clones, taillées correctement: c’est bizarre mais elles crèvent pas !

Autre chose, du sud au nord, ils ont fait une pauvre récolte les vignerons de Bourgogne, moi qui n’ai pas d’âge, j’ai déjà vu ça, seulement c’était y’a longtemps, pis à l’époque, ils avaient tous une ou deux vaches, des poules et des lapins, un jardin, enfin tout pour se serrer la ceinture un moment et attendre une récolte meilleure. Et puis surtout ils devaient pas un sous au banquier. Alors que là, y va falloir payer avec des clopinettes et les banquiers ils disent que les clopinettes ça vaut rien !

 Voilà ce que la Gazette aurait pu dire au Président, puis sûrement bien d'autres choses encore, terminant son propos par un improbable prêche en latin aux escargots et aux blaireaux, aux lapins et à leurs civets se terminant à coup sûr par « in vino véritas »
Je n’ai aucune idée de ce que le président aurait bien pu lui répondre au vieux fou, qu’importe puisqu’il a disparu de toute façon avec le père Vincenot, à moins qu’il ne continue à hanter la campagne bourguignonne, en maugréant qu’on est en train de devenir fous.

Si j’avais l'occasion de le rencontrer moi, le Françouais, je lui dirait bien que tout ça c’est pas si grave, que le pire c’est ce qu’on ne vois pas venir, la vouivre aurait dit la Gazette, les forces obscures des lobbies qui nous les cassent et qui nous feront plus sûrement crever que le premier verre de vin qu’on boit chaque jour et qui nous réjouit lui ! S'il devait nous donner le cancer ou je ne sais quoi d’autre, il y a bien longtemps qu’il n’y aurait plus un vigneron sur cette terre.

Bon finalement, Mr le Président, ils sont comme tout le monde les vignerons bourguignons, ils ont leurs soucis, leurs difficultés et ils sont pas idiots, ils savent bien que c’est pas vous qui allez résoudre tous ça en un tournemain, même ceux qui ont voté pour vous, ils se sont plus bercés d’espoirs que d’illusions.

Berthomeau a raison, le lobby du vin, c'est pas grand chose. "Il est pas ben vigrot" aurait dit la Gazette.

En tout cas c’est pas une raison pour ignorer royalement les viticulteurs mon prince, car même s’ils sont pas tous des électeurs, faudrait pas pour autant les exclure des forces vives de la Bourgogne !

Ni eux ni les nombreux qui grâce à la viticulture et au vin ont du boulot ! Et pour assuré qu’il soit parce que pas délocalisable le travail de tous ces gens n'en est pas moins respectable et eux avec !

Parce que sur la route de Dijon,  y’avait bien des vestons, la belle diguedi, mais pas un vigneron la belle diguedi, la belle diguedon.

C’est pas poli d’agir de cette façon et c’est même grossier !

dimanche 24 février 2013

Le redressement par le rouge... Productif !


Printemps 2013 à Paris, terrasse du Café de Flore, Arnaud et Maurice boivent un verre de vin rouge en discutant au doux soleil d'avril. Ils se sont donné rendez-vous là après une longue correspondance écrite et pas toujours cordiale. Il faut dire qu'ils ne se connaissaient pas.

Maurice pensait que la France était un pays de nantis, d'assistés, de fainéants passant leur temps à glander y compris au boulot. Arnaud défendait un pays qu'il chérit et des gens qu'il aime bien surtout quand ils sont d'accord avec lui. A force de se chicaner pour des broutilles, Arnaud avait invité Maurice à Paris pour s'expliquer de vive voix. Il est malin Arnaud, il avait invité  Maurice au bistrot parce qu'il avait un peu en travers une petite phrase que ce dernier avait glissée dans une lettre et qui lui avait plutôt déplu.

Maurice avait écrit: " bientôt en France plus personne ne travaillera et les gens passeront leur temps aux terrasses des cafés à boire du vin rouge".

Comme Arnaud était arrivé le premier, il avait commandé un verre de vin rouge en attendant. Un bon verre de bon vin de sa bonne Bourgogne natale où il a quelques copains vignerons. Il s'était dit on va commencer par le début modestement et il avait commandé un Hautes Côtes de Beaune Rouge 2009 signé Devevey.

Maurice arriva et les présentations faites, Arnaud lui offrit un verre de bon vin rouge de sa bonne Bourgogne natale, l'autre ne put qu'accepter et ils trinquèrent.

Ils commencèrent à s'expliquer longuement sur les sujets les plus divers et les plus compliqués qui procèdent de la marche du monde. Maintenant qu'ils étaient là, assis à la terrasse d'un beau café, symbole du prestige de la France, à boire un bon vin rouge de Bourgogne, les meilleures conditions étaient réunies pour se parler. Et ils parlèrent de tout : de la France, du fléchissement, du chômage, des gens, du pouvoir, du pas pouvoir et du pognon enfin de l’économie comme ils disent !

Ils parlèrent tellement qu'ils eurent vite atteint le fond des verres et qu'ils en recommandèrent un autre.

C'est la mienne, dit alors Maurice, on remet le même il est très bon!

Puis ils reprirent leurs échanges, les langues s'agitaient, se déliaient de plus en plus et, restant polis car ils étaient tous deux de bonne éducation, ils se laissèrent aller à leur engouement pour le verbe, débattant, se coupant la parole l’un l’autre. On sentait monter l’amitié !

Et derechef les verres furent vidés.

Bon dit Arnaud: t'en rebois une Maurice ? Bien sûr ! répondit l'autre.

On ne va pas continuer comme ça à boire au verre répliqua Arnaud, on va prendre une bouteille ça coûtera moins cher. Qu'est-ce que tu penses d'un bon Rully 2010 de chez Jean Yves Devevey ? Je le connais, il fait bon !

Pour le vin je te fais confiance répondit Maurice.

La bouteille arriva, ils l'entamèrent joyeusement et reprirent leurs échanges.

Dis-donc ! s'exclama Arnaud, on mangerait bien un morceau sinon on va être bourrés et on dira n'importe quoi.

T'as raison dit l'autre, ils font des hamburgers ici ?

De quoi ? Tonna Arnaud, décidément tu connais rien à la France faut tout t'apprendre !
On va commander une belle assiette de charcuterie, mon grand-père faisait une excellente rosette dans le temps à Autun, je m'y connais !

Si tu t'y connais autant qu'en pinard, je te fais confiance, lui dit Maurice.

Tu peux ! Je m'y connais encore mieux en rosette qu'en pinard dit Arnaud.

La charcuterie était excellente et le vin tellement bon qu'ils commandèrent une autre bouteille.

Tiens toi bien Maurice, dit Arnaud, il fait aussi du Volnay le Devevey on va en prendre une.

A ta guise mon cher Arnaud répondit  Maurice avec emphase. Il faut dire que les oreilles commençaient à lui chauffer.

La bouteille de Volnay eut l'heur de plaire particulièrement à Maurice qui en but les trois quarts. Arnaud en bon bourguignon savait s'y prendre...

Au fil des verres, notre Américain ayant du mal à articuler plus avant ses arguments, Arnaud en grande forme pris la parole et déclara, théâtral :

Tu vois Maurice, on vient de passer deux heures à bavarder et à picoler toi et moi ! Et bien tu sais quoi, Maurice, on a participé au redressement de la France !

L'autre le regarda ahuri...

Réfléchis Maurice, les vins qu'on a bu là tranquille en causant mon gars, il a bien fallu un serveur pour nous les apporter à table et c'est pas le seul à travailler ici. Et le vin, il a bien fallu quelqu'un pour le faire Maurice et je vais te dire : le bon vin c'est pas simple à faire !

C'est comme la bonne charcuterie, derrière un verre de vin ou derrière une rosette, t'imagines pas le nombre de gens qui bossent Maurice et même qu'ils usent des pneus de tracteurs les vignerons et les éleveurs, rends-toi compte !

Tous ces gens qui travaillent, viticulteurs, tonneliers, verriers, bouchonniers, imprimeurs, vendeurs, livreurs, assureurs et même banquiers, la liste est infinie Maurice, plus il y de gens qui boivent du rouge et qui mangent de la charcuterie, plus il y de gens qui bossent en France et qui eux aussi boivent du rouge et ça n’en finit jamais, c'est le grand mouvement perpétuel de la vie ça Maurice et en plus c'est du plaisir, c’est du bonheur !

Là, nous deux Maurice, poursuivit l'Arnaud, pendant deux heures on a fait bosser des milliers de gens !

Alors tu sais quoi Maurice ?

On en reboit un, le Devevey il fait un Beaune 1er cru les Pertuisots du feu de dieu, je te l'offre, tu vas voir avec des œufs en meurette c'est de la balle !

Il avait jamais mangé des oeufs en meurette le Maurice, jamais bu du si bon vin, il savait même pas que ça existait, le Maurice !
Et bien il est reparti le lendemain secoué, tout tourneboulé, étonné de ne pas avoir la gueule de bois (il avait bu et mangé que du bon), tous ses clichés sur les français fracassés  et ses certitudes dévastées.

On ne l’a jamais revu. Aux dernières nouvelles il errait dans Manhattan habillé en culotte de velours avec un béret sur la tête en chantant en boucle un ban bourguignon que lui avait appris l'Arnaud...

Merci Arnaud et à la tienne !

vendredi 8 février 2013

De quels vins on s’abreuve, de quels mots on se saoule ?


 

Tempête dans une sapine, les cerveaux aujourd’hui s’agitent sur la toile aussi virtuelle que les propos sont superficiels.

 Le vin convenable est-il le vin bio, le vin nature ou le reste ?

On ne sait plus à quel vigneron se vouer ! 

Il est assez probable que le meilleur vin soit celui qui nous fait plaisir, car il est bien loin le temps ou l’on buvait de la piquette pour se garder des dangers de l’eau d’alors, qui était sans doute bien plus dangereuse que le pire vin d’aujourd’hui !

Loin aussi le temps ou l’on buvait des litres et des litres de vin pour tenir le coup au boulot ou pour tenir le coup tout court. 

Alors c’est quoi ce débat ? il y aurait des vins bons, des moins bons, des mauvais?
Merde alors et on ne nous dit rien !

Il aurait des vins sains (natures) et des malsains (les autres) ?
Non, déconnez pas les mecs !

Le vin finalement c’est un peu comme le sexe et tout le reste, c’est ceux qui en parlent le plus…

Chez nos chers prescripteurs, c’est comme partout y’a du bon et du moins bons, des « goûteux » et des « buveux ».

Moi vigneron, j’en bave des ronds de chapeau pour arriver à faire du vin buvable qui donne un peu de plaisir aux braves gens qui m’en achètent. Il y en a parmi eux qui me disent qu’il est bon, d’autres disent même excellent, ça me fait du bien mais ça résout rien.
Cela ne m’empêche pas chaque début d’année de me demander si elle se passera bien; je veux dire si je réussirai à payer les banquiers, les fournisseurs et à avoir encore de quoi nourrir ma famille.
Cela ne m’empêche pas comme tous mes collègues vignerons, le printemps venu, de serrer des fesses en espérant qu’il ne gèlera pas. Et quand ça passe, j’espère qu’il ne pleuvra pas trop, qu’il ne fera pas trop froid, ni trop chaud et que je ne serai pas obligé de traiter tous les quatre matins, j’espère aussi qu’il ne grêlera pas et qu’août (qui fait le moût) sera beau et que ça durera jusqu’aux vendanges.
Après j’espère que mon vin sera pas bouchonné et puis pour compléter que mes clients me paieront et pas en retard si possible !

Voyez un peu messieurs les « goûteux », les basses considérations que j’ai dans mon métier.

Dites-moi donc ce que vous buvez, si vous n’êtes pas -que- des « goûteux »?
Parce que je vous vois bien goûter à tour de papilles et puis juger, noter, classer, faire et défaire, dire du bien d’un vin du mal d’un autre, encenser un vigneron, baver sur un autre , c’est quoi cette mode ridicule de vouloir tout déguster ? Maintenant, au restaurant on vous apporte votre assiette et on vous dit : « bonne dégustation » alors que vous êtes venu pour manger !   ben ça va ou bien ?

Faudrait arrêter de penser que vous êtes au centre du monde du vin les « goûteux » et que vous avez une science infuse qui n’existe pas. Si vous aviez un peu d’honnêteté et d’amour propre, en imaginant que vous soyez fondés à juger le travail des vignerons, vous ne commenteriez que vous propres sensations après avoir bu un vin… à l’apéro, ou mieux en mangeant à table comme il se doit. Parce qu’un vin ne représente pas qu’un vin mais un lieu, un instant, presque un état !

La dégustation c’est un outil technique de fabrication du vin, c’est un outil technique pour choisir ce que l’on veut acheter et encore ce deuxième point se discute. Faudrait arrêter de confondre les moyens et la fin.

Le meilleur vin ça n’existe pas, c’est celui qui nous rend heureux à un moment donné parce qu’on est bien là où on le boit et avec qui on boit.

Un aligoté avec de bons amis sera toujours plus joyeux qu’un Montrachet partagé à regret avec de mauvais compagnons.
 
Il m’est avis que si vous buviez un peu ou un peu plus, vous découvririez les fabuleuses vertus du vin.
Car, quant à écrire sur les vins, ce n’est pas qu’une occupation, c’est sérieux mais il faut en être capable, oserais-je dire en être digne ?

Les auteurs qui en pinçaient pour la chopine, les « buveux », ont de tous temps écrits de fort belles choses et puisque vous prétendez juger notre travail, je prétends vous dire que leur lumière montait du fond du verre pour éclairer leurs esprits et que c’était d’un autre tonneau !

Je ne vois rien dans vos écrits polémiques qui présente luminosité et grandeur ou qui révèle un tant soit peu de talent. En croyant parler du vin, c’est souvent de vous-même que vous parlez, traitant le vin comme un faire-valoir, vous le galvaudez dans des crachoirs.  

Sans talent et même avec, il nous reste le labeur, c’est notre lot à tous, vignerons, écrivains également et autres  aussi. Sans talent ni travail, les « goûteux » ne sont finalement que des gribouilleurs.

La nature a créé l’eau et l’homme le vin et l’écriture…

Et l’homme n’est pas parfait chacun le sait bien.